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La Mode du VIeux Continent à l'heure du See Now Buy Now (SNBN)

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Club Luxe

Bonnes pratiques

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27/09/2016

Depuis plusieurs saisons, l’éruption du concept commercial « See Now, Buy Now » fait tanguer les états-majors des grands noms de la mode européenne. Pas une saison sans la question lancinante : « quel grand nom français ou italien va oser bouleverser de manière significative son calendrier des défilés ? ».
Initiée par les leaders de la Mode en pointe sur les questions digitales et sur les réseaux sociaux tel Burberry, la nouvelle pensée dominante est d’organiser les Fashion Weeks  avec des mannequins portant des vêtements disponibles immédiatement à la vente en Boutiques et surtout  « on line » en activant des applications dédiées à ces ventes instantanées.

Autrement dit, faire défiler en automne des manteaux d’hiver et pas des maillots de bain.
 
Ce qui parait relever du bon sens sur le papier représente en fait une immense révolution. Depuis près de trente ans, le Prêt à Porter des maisons de luxe est présenté en avant-première aux professionnels et aux distributeurs lors de défilés dont certaines tenues sont souvent bouclées la veille. Ce que l’on voit sur les podiums sont des prototypes qui demanderont ensuite plusieurs mois de développement et de fabrication. Et ce n’est que bien plus tard que les pièces manufacturées atteindront les portants de l’Avenue Montaigne.
 
Pris au piège des communicants qui leur ont vendu les défilés comme l’alpha et l’omega de la promotion d’une collection et d’une maison de couture, les dirigeants se retrouvent aujourd’hui avec des machines à diffuser des images de produit indisponibles à la vente.
Un vrai cauchemar pour des réseaux Retail mondiaux confrontés à des clientes pressées et qui zappent à toute vitesse.
 
Faire du « See Now, buy Now » revient donc à recaler le temps des collections et ne présenter au grand public que des modèles déjà prêts à la diffusion. Surtout oser se limiter à des modèles « vendables » et calmer la frénésie des studios de création au risque de devenir terriblement ennuyeux et beaucoup moins audacieux.
 
Est-ce le sens de l’histoire ?
 
En réalité, pour les Accessoires qui relèvent plutôt d’une organisation industrielle et pèsent plus de 60% des ventes, c’est en soi un changement qui se joue surtout dans les esprits. Il n’en va pas de même pour le Prêt à Porter où toute la filière devrait se projeter dans un exercice de synchronisation de haute précision, réformer les cycles logistiques et recaler tout le cycle créatif et promotionnel sur un rythme différent. Sans pour autant être convaincu que ce saut dans l’inconnu vaille la peine d’être tenté. Que les Boutiques sauront accueillir convenablement la soudaine fréquentation d’une horde de clientèle chauffée à blanc suite à la diffusion en streaming des défilés.
Le tout sans résoudre l’épuisement rapide de bestsellers acclamés sur les runways par les blogueuses et augures de la presse féminine.
 
Les américains résument bien l’excitation lors de ces défilés d’un nouveau genre :
“the experience up to this point was what shopping should be: fun” (1)
 
La conversion de designers internationaux s’amplifie. Burberry a annoncé réduire ses shows à 2 défilés par an Homme et Femme mêlés, et surtout mettre à disposition 250 pièces dans son réseau de Boutiques et sur des applications de vente en ligne.
"We're not saying we have all the answers. This is definitely trial and error and it's key that we feel as a company we can do that. But if anything, this new way of working freed up the design team," nous dit Christopher Bailey.
"It was actually a much calmer season because we planned it so much in advance, which gave us more time to unpack the story-telling and ensure our customers feel the same things in store as we did when we were designing it.”(2)

 
Le moderniste Tom Ford suscite des commentaires élogieux et plante le nouveau paradigme: “The idea is to capitalize on the immediacy of desire, and quash the fatigue that can potentially set in when customers have to wait months in between runway shows and shipments to stores” (3).
 
Tommy Hilfiger, Alexander Wang, Michael Kors et Hugo Boss ont décidé de suivre le mouvement. Et cet automne, l’excitation était à son comble lorsque le couturier Ralph Lauren a décidé de faire le buzz en scénarisant son défilé aux pieds de son flagship de Madison Avenue et en basculant dans la diffusion instantanée de ses créations.

"I am proud to share with you, for the first time ever, my new women’s collection right off the runway and into your lives. You are changing the way you live and the way you want to shop, and we are changing with you and for you. For me, this is the ultimate expression of luxury, offering you every look, every accessory, every handmade detail immediately in my flagship stores around the world and online.”(4).

Une révolution qu’il a savamment orchestrée et qui a impliqué une refonte colossale de son organisation interne, notamment par le recrutement de spécialistes du Fast Retailing. Le final a donné le ton avec l’ouverture solennelle des portes de sa boutique prête à livrer les modèles présentés quelques minutes auparavant.
 
Jusqu’à quand les maisons du Vieux Continent pourront-elles résister ?
Après avoir longtemps hésité à recourir à des stratégies de communication digitales, le Luxe va devoir synchroniser ce qui se passe sur la toile et dans ses boutiques pour mieux séduire et satisfaire la demande de ses clients.

Tout en continuant à faire rêver.
 
  1. Kari Hamanaka - Magiconline – 13 Septembre 2016 – Défilé Rebecca Minkoff
  2. Christopher Bailey – Daily Telegraph – 20 Septembre 2016 – Lisa Armstrong
  3. Défilé Tom Ford – Vogue – 6 septembre 2016 – Nicole Phelps
  4. Ralph Lauren statement – AP – 15 septembre 2016 – Jocelyn Novec
  5. Credits Photo www.blogs.arts.ac.uk
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