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Discussion autour de l'évaluation des politiques publiques chez France Stratégie

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Association du master de Gestion Publique

09/05/2020


Jeudi 30 janvier 2020, Marie-Christine Armaignac, présidente de l'amicale du contrôle général économique et financier (CGefi) a organisé un petit-déjeuner débat avec Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, en présence d'Hélène Crocquevieille, cheffe du CGefi.


Cette rencontre a permis aux étudiants du master Droit et Gestion publique de l'Ena et de l'université Dauphine de découvrir une institution essentielle pour l'action publique.



Présentation de France Stratégie par Gilles de Margerie


Héritier du Commissariat au Plan, l’organisme composé de quarante agents qui effectuent des évaluations et ont la charge de la gestion de moyens des organismes, tels que Le Haut Conseil au Climat, le Conseil d’Orientation des Retraites…

Cent trente agents sont, quant à eux, affectés dans les fonctions support, dont un service de la communication. L’objectif est de faire connaître les analyses, prospectives et propositions issues de France Stratégie. 


Description de plusieurs Missions


  • Mission d’évaluation des Ordonnances Travail


Lien utile : https://www.strategie.gouv.fr/evaluation/comite-devaluation-ordonnances-travail


Le comité d’évaluation est présidé par un trio : un représentant de l’OCDE, 2 représentants de la négociation sociale (un représentant du MEDEF et un représentant syndical). 

Le comité travaille à la construction de la grille d’évaluation. Il est trop tôt encore pour dire s’il y a des effets. Pour l’instant, le comité suit les moyens mis en place. La difficulté tient à l’obtention et à la fabrication de la donnée. Il est difficile en effet de connaître le pourcentage de la population couverte. Et il peut y avoir aussi un enjeu en termes de représentativité des organisations syndicales. 

Ainsi, l’identification des objets d’évaluation est en cours et ne sera possible de mesurer les impacts des politiques que dans deux ou trois ans. 


  • Mission Evaluation de la fiscalité du capital


Lien utile : https://www.strategie.gouv.fr/evaluation/comite-devaluation-reformes-de-fiscalite-capital


Le rapport sur les conséquences économiques des différentes formes de fiscalité du capital a été publié en septembre dernier. Il répond à l’interrogation sur le périmètre de l’ISF et analyse les flux de ressources libérées. Cependant, il existe une difficulté afin de cerner et de cibler les impacts pour les entreprises non cotées. 


  • Mission CICE (2013)


Lien utile : https://www.strategie.gouv.fr/evaluation/comite-de-suivi-credit-dimpot-competitivite-lemploi


Cette mission se trouve confrontée à une difficulté méthodologique : il faut démontrer l’impact d’une politique publique en la comparant à une situation où elle n’aurait pas été mise en œuvre (c’est-à-dire à une situation contrefactuelle). 


Or, le CICE constitue une politique déployée sur l’ensemble du territoire. Comme il est impossible de construire une situation contrefactuelle, des hypothèses « héroïques » ont été formulées, mais elles sont entachées d’incertitudes. 


Deux laboratoires de recherche ont été sollicités afin d’effectuer ces évaluations mais ont abouti à des résultats différents. France Stratégie a alors sollicité l’INSEE qui a constaté que les calculs étaient exacts, mais que les hypothèses de construction des modèles étaient différentes. 


Enfin, en raison de transformations administratives internes, les évaluateurs sont actuellement en train de traiter les données en date de 2016. Or, pour les décideurs politiques, ce décalage rend les conclusions moins opérationnelles.


De manière générale, il existe une divergence entre attentes des décideurs de court terme et temps nécessaire à l’évaluation. 


  • Mission CNEPI


Lien utile : https://www.strategie.gouv.fr/evaluation/commission-nationale-devaluation-politiques-dinnovation


La mission porte sur l’évaluation du Crédit Impôt recherche (2008), qui participe à l’aide à l’innovation en France. L’évaluation s’effectue sans situation contrefactuelle. Les différences de comportement des entreprises dans l’utilisation du CIR sont alors étudiées. 


  • Mission d’évaluation de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté 


Lien utile : https://www.strategie.gouv.fr/evaluation/comite-devaluation-de-strategie-nationale-de-prevention-de-lutte-contre-pauvrete


Cette stratégie comprend un ensemble de mesures. Il s’agit donc de recourir à une méthode d’évaluation différente et se questionner sur les variables d’évaluation pertinente. 


Il a été démontré que l’ascenseur social était moins rapide en France que dans les autres pays de l’OCDE et que les inégalités observables chez un enfant de 6 ans correspondent à celles observables pour un même individu à 25 ans. L’accent doit donc être porté sur la jeunesse (0-6 ans) mais les résultats de cette politique ne seront mesurables que dans une génération. Il est donc nécessaire, pour répondre aux demandes des décideurs politiques, de construire des indicateurs tendanciels que l’on peut calculer dans un intervalle de temps beaucoup plus restreint.


En outre, il est possible de consulter les personnes en situation de pauvreté afin de connaitre leurs attentes. 


  • Mission d’évaluation de la loi PACTE


Lien utile : https://www.strategie.gouv.fr/evaluation/comite-devaluation-de-loi-pacte


L’article 221 de la loi Pacte prévoit 23 thématiques à évaluer annuellement. Le guide méthodologique d’évaluation sur les 23 thématiques a été publié en décembre 2019.
 


Conclusion


Il y existe de plus en plus d’évaluations. France Stratégie est amenée à coopérer avec de nombreuses institutions telles que la Cour des Comptes ou la Caisse des Dépôts et Consignations. Il effectue des évaluations périodiques sur 4/5 ans ou sur un rythme annuel.


Il pourrait peut-être être pertinent de fixer une règle afin de décider quand évaluer une politique, par exemple en décidant que tout investissement supérieur à 1 milliard d’euros devra être évalué.


Il est important également de communiquer les résultats des évaluations, à l’exception de celles à destination du management. Mais les évaluations de politiques publiques devraient pouvoir bénéficier d’une large publicité. 

Il est également nécessaire de développer les études d’impacts ex-ante. Tout responsable politique devrait être formé aux principes de l’évaluation. 


Une piste d’évolution serait de mettre en place un label / une charte Qualité garantissant la conformité de l’évaluation.

Il faudrait également faciliter le lien avec les universités pour réaliser les évaluations. Les laboratoires français d’évaluation ne sont pas assez développés. Les laboratoires de recherche publique ne sont pas assez nombreux pour faire de la concurrence. Il est parfois nécessaire de faire appel à l’international.



DEBAT


M.C. ARMAIGNAC aborde la question de l’ouverture permise par le numérique et des conséquences que cela a sur les données et leur accès. 


G. DE MARGERIE : Il y a une solide réticence à la communication des données dans l’administration française. Plus généralement, la France, les français, sont collectivement rétifs à l’ouverture des données. 

Aujourd’hui, il n’y a pas de difficulté d’accès aux données. Les laboratoires de recherche effectuent leurs propres recherches eux-mêmes. L’appropriation des données par les citoyens ne s’est pas beaucoup développée. 

L’association de l’intelligence artificielle et du Big Data permet de développer, par exemple l’analyse textuelle. Dans 2/3 ans, cette technique sera très répandue, notamment dans la justice afin de comparer différentes décisions rendues. En droit des affaires, les cabinets d’avocat utilisent l’IA pour analyser les textes des principaux contrats. 


M.C. ARMAIGNAC aborde ensuite la question soulevée par la récente jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil Constitutionnel de la délégation de la rédaction de l’exposé des motifs d’un projet de loi à un cabinet privé. 


G. DE MARGERIE : La question doit être replacée dans le contexte institutionnel de l’évaluation, dans lequel l’indépendance du rédacteur de l’étude d’impacts et de l’exposé des motifs n’est pas prévue dans les textes, et l’Assemblée nationale ne joue pas un rôle actif dans les évaluations ex-post et ex-ante. Les évaluations ex-post et les réalisations d’études d’impacts devraient être effectués par une entité tierce indépendante qui recourrait à une méthodologie solide. 


Par la suite, Gilles DE MARGERIE a répondu à plusieurs questions de l’auditoire. Il a, notamment, rappelé que chaque organisme académique ou administratif était attaché à son périmètre et qu’il s’agissait donc de travailler en bonne intelligence dans la réalisation des évaluations. Enfin, il a précisé que les consultations citoyennes très importantes pour l’évaluation devaient être, par définition, périodiques, et ne pas générer des « corps constitués » qui, à leur tour, verraient leur représentativité mise en doute. 








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